Témoignage de Cécile BOUGREAU
Gaétan a fait un A.V.C. le 9 novembre 2013
Gaëtan, peu bavard en société, discutait pourtant beaucoup lors de nos repas familiaux avec nos trois enfants et moi, sa femme. Exposant son point de vue sur la politique, sur son travail, à ses amis qu’il voyait régulièrement. En dehors de cela, il a toujours été très discret.
Lorsqu’il a fait son AVC, le 9 novembre 2013 et que nous l’avons retrouvé aux soins intensifs du CHU d’Angers, le seul mot qu’il répondait à toutes nos questions pleines d’espoir, c’était : « NON ! »
Sans parole, sans réponse, on se sent étrangers et étrangement démunis
Un NON désabusé, assuré ou tantôt vague; un NON qui disait oui, qui disait merci, qui disait je suis fatigué. Je trouvais alors qu’il était fort bavard dans le passé. Comment savoir ce qu’il ressent? Souffre-t-il? Sait-il toujours, d’ailleurs, qui nous sommes? Sans parole, sans réponse, on se sent alors étrangers et étrangement démunis pour aider au mieux celui qui hier encore nous racontait ses journées. Que les banalités d’une discussion du quotidien nous manquent en cette mi-novembre!
Patience… encouragement…
Et puis, peu à peu quelques mots reviennent doucement, tout doucement: un mot, un prénom, mais hélas rarement le bon mot, qu’il répète inlassablement. Avec mes enfants, nous allons le voir tous les jours au CHU et nous discutons entre nous (c’est le langage qu’il avait l’habitude d’entendre), l’écoutant patiemment, l’encourageant dans ses efforts, en lui rappelant aussi qu’il doit se reposer et le rassurant sur le fait que cela va revenir.
Le temps nous apprendra à accepter le nouvel époux, le nouveau papa…
C’est aussi nous qui essayons de nous rassurer dans ces moments là. Nous avons besoin de nous persuader que nous allons retrouver le mari, le père, que nous avons connu jusque là. Le temps nous apprendra à accepter le nouvel époux, le nouveau papa qui maintenant s’exprime mieux, certes, mais les mots, les phrases manquent. Et Gaëtan ne veut voir que très peu de monde pour l’instant, conscient de son handicap.
Handicap, un autre mot à apprendre… à prononcer, à articuler, à accepter…pour nous sa famille.
Désormais nous apprenons à vivre à un autre rythme, fini de courir tout le temps. Nous prenons le temps.
Quoiqu’il en soit aujourd’hui, je pense que nous n’avons jamais autant communiqué que depuis que Gaëtan est aphasique. Pour lui, pour l’aider, mais aussi pour nous, profitant pleinement de l’échange, avec lui, après avoir eu si peur de ne plus jamais pouvoir lui parler.
Langage non verbal
Par communiquer, j’entends aussi, tout ce qui est non verbal : les rires, les regards, les gestes, les mimiques.
Aujourd’hui on s’attarde plus sur un sourire, on le photographie, profitant du moment présent et le gardant ainsi en mémoire quand, parfois, les instants sont plus difficiles. On s’attarde plus sur un regard, on prolonge le temps des yeux qui se croisent, qui nous disent parfois tellement.
Une leçon de vie … Un nouveau regard sur l’essentiel
Avoir un proche aphasique, c’est aussi une leçon de vie pour les aidants: c’est se rappeler au quotidien la place du langage dans notre vie, être attentionné aux choix de ses propres mots, et porter un nouveau regard sur l’essentiel, sur ce qu’est l’homme en soi. Un homme aux cinq sens, qui, amputé de l’un d’eux, peut être déstabilisé plus qu’il ne l’aurait imaginé, pour lui, mais aussi pour son entourage.
Savourons ce qui est existant
Alors savourons ce qui est existant, et transmettons à ceux qui ont perdu l’utilisation d’une des ces facultés, ce que nous avons appris et retenu, grâce à eux: l’énergie et la positivité, malgré tout.
Merci à APHASIE49
Pour conclure, je voudrais dire un très grand Merci aux membres d’Aphasie 49, qui nous ont permis de sortir de notre bulle, d’avoir une main tendue, de se sentir écouté, entendu, compris, grâce à leur présence au CHU, aux Capucins, au téléphone, puis à l’assemblée générale.
Merci à tous pour votre accueil et EN AVANT.
Cécile Bougreau., Varrains, près de Saumur